les Kogis à ibiza: ma rencontre avec les gardiens de la terre
Quand les Grands Frères descendent de la Sierra Nevada pour rappeller leurs petits frères à l’ordre du vivant.
Rituel ancestral du Pagamento avec les Kogis rencontrés à la ferme Tierra Iris, à Ibiza
Le 6 avril dernier, en plein cœur du mois de Pâques - cette traversée symbolique de mort et de résurrection - j’ai vécu une rencontre qui restera gravée dans la mémoire de mon corps. J’ai eu l’honneur profond de recevoir les enseignements silencieux et chantés des Kogis, à Tierra Iris, une ferme syntropique nichée au nord d’Ibiza, gardienne de la prophétie de l’Arc-en-Ciel.
Ce lieu n’est pas un simple espace physique : c’est un sanctuaire vivant. Une terre-mémoire, où le Ciel épouse la Terre dans des gestes sacrés nichés au coeur de la simplicité. Là-bas, on plante en prière, on chante en offrande, on honore les éléments comme des ancêtres. On écoute. On se souvient. À Tierra Iris, le futur se reconnecte au plus ancien des passés : celui d’une humanité alignée sur le vivant, réaccordée au point zéro, à cette fréquence oubliée d’amour et de responsabilité envers le vivant.
Quand les Kogis, messagers des peuples premiers, descendent de la Sierra Nevada pour parler à l’humanité et rencontrer l’Occident, c’est le signe que le décompte est lancé.
J’ai vécu trois heures d’éternité autour d’un feu sacré à leurs côté, en plein mois de Pâques. Un espace-temps poreux, dans lequel leur simple présence semblait dilater la réalité. Leurs visages portaient l’autorité à la fois sérieuse et douce de ceux qui savent, leur regard traversait les couches visibles du monde. Croiser leurs yeux, suivre leurs gestes, écouter leurs paroles… c’était comme entrer dans une œuvre d’art vivante avec humilité, un tableau sacré déroulant la genèse de l’humanité et le dessein sacré du monde.Des silhouettes venues d’un autre temps. Des vibrations de vérité.
Tierra Iris : Gardienne de la prophétie de l’Arc-en-Ciel, sanctuaire du Point Zéro
Le lieu qui a accueilli les Kogis n’est pas neutre. Tierra Iris est un vortex sacré, une ferme-ashram posée comme une prière sur la peau d’Ibiza, gardienne vivante de la prophétie de l’Arc-en-Ciel. Cette prophétie, transmise par plusieurs peuples premiers, annonce qu’un jour viendra - ce jour où la Terre, profondément blessée, n’aura plus d’autre choix que d’appeler - et que, ce jour-là, des femmes et des hommes se lèveront, de toutes les nations, non par le sang, mais par le cœur, unis pour restaurer l’équilibre. Pour retisser l’arc sacré entre le ciel et la terre.
Des gardiens du vivant.
Des guérisseuses.
Des bâtisseurs d’harmonie.
Sur cette île souvent réduite à ses excès festifs, Tierra Iris tient un autre feu. Un feu d’alignement, de prière, de régénération. Ici, le masculin sacré incarne la sécurité, la droiture du tronc, offrant l’espace à l’expression du féminin divin : la Terre, l’utérus fertile, le chant de la pluie, les graines semées avec conscience, la vénération des abeilles, des paons et des chèvres, des astres et des saisons. Chaque être ici est écouté comme un messager du vivant.
Les événements organisés à Tierra Iris sont comme des cercles de lumière dans la nuit du monde : ils ravivent les mémoires anciennes et restaurent la fréquence oubliée de l’harmonie.
Ses fondateurs parlent d’Ibiza comme d’une grand-mère sacrée, fatiguée, blessée par nos désirs consumés, mais encore debout. Elle attend du soutien de ses enfants, afin qu’ils préservent et pepeéruent la vibration cristalline originelle de l’île et de cette Terre d’Éden.
LES KOGIS : quand LES GRANDS FRÈRES DU MONDE rappellent leurs petits frères à l’ordre du vivant
Les Koguis (ou Kaggaba) vivent dans la Sierra Nevada de Santa Marta, en Colombie, une région qu’ils considèrent comme le Cœur du Monde.
Ils font partie des quatre peuples descendants des Tayronas, avec les Arhuacos, Wiwas et Kankuamos. Ils sont les gardiens invisibles de l’équilibre cosmique. Leur spiritualité repose sur la Loi de l’Origine ( Les de Origen ) reçu du grand Esprit Aluna, un système cosmique où chaque être, chaque montagne, chaque rivière, chaque pierre, chaque étoile a une fonction sacrée.
Les Kogis accompagnés de Issa à gauche, créateur de l’ong Indigenous Soul avec sa femme Myriam Ma.
Ils sont l’un des derniers peuples à avoir conservé un lien ininterrompu avec les lois cosmiques et la Terre-Mère. Pour eux rien n’est neutre. Rien n’est séparé. Ils perçoivent le monde non pas comme un décor, mais comme un organisme vivant, sensible, interrelié, un corps sacré dont ils sont les cellules conscientes.
Leur pratique principale, le pagamento partagé avec eux le jour de leur rencontre, est un acte d’amour et de reconnaissance envers la Terre vivante. Leurs offrandes aux éléments - feu, eau, terre, air, étoiles - sont ponctuelles et inhérentes à leur quotidien pour préserver l’équilibre du monde. De ce côté, je me suis sentie comme à la maison, car ma spiritualité est très reliée aux offrandes à la terre et aux éléments, mais j’ai reçu bien plus encore qu’un miroir ce dimanche.
Les Mamos, leurs sages, sont initiés dès l’enfance, élevés dans l’obscurité d’une grotte pour éveiller leur perception subtile et écouter les messages du ventre de la Terre et de l’invisible. Ils perçoivent finement les cycles du temps, les déséquilibres planétaires, les mémoires anciennes. Ils parlent à la Terre comme on parle à une mère. On lui demande comment elle va ? de quoi elle a besoin, comme un fils en dévotion à sa mère nourricière.
"Les petits frères ont oublié la Mère. Ils détruisent le monde par ignorance. Nous, les grands frères, veillons encore à l’équilibre." assurent les Kogis.
Quand ce peuple des montagnes sacrées vient à nous, ça n’est pas pour du folklore. Ile ne sortent de leur territoire que dans des cas d’urgence spirituelle extrême. Leur venue à Ibiza, au moment de Pâques, était un signal fort. Le décompte est lancé.
Le rôle des femmes dans la communauté des Kogis
Zaga Maria entourée de son Mari et aux côtés de Myriam, créatrice de l’ong Indigenous soul.
Zaga Maria Luisa, la femme du Mamo Narciso nous a transmis tout en tissant son sac, la sagesse d’un féminin pleinement incarné, conscient de l’impact de ses gestes, de ses pensées et de son lien fusionnel à la terre :
Quand une fille naît, on enterre le placenta dans la terre et on plante un arbre d’agave à cet endroit. Plus tard, on fabrique un sac sacré (le mochila) avec la fibre de cet agave, qu’on offre à la fille à sa maturité. Ce sac devient son compagnon de vie. Lorsqu’elle se marie, elle continue à le tisser. Et si ses pensées deviennent sombres, elle doit détisser ce qu’elle a fait, car le sac est le reflet de son âme. Chaque fibre, chaque fil, est un acte conscient. Ce récit d’ancrage à la Terre et de continutuié du lien et du féminin sacré m’a beaucoup émue. . Car dans ce tissage, il y a toute une philosophie de vie et un esprit du détail : rien ne se construit sans conscience. Tout ce que nous pensons, portons, créons, laisse une empreinte. Une belle métaphore de la conscience féminine. Tisser sa vie avec justesse. Détisser si nécessaire. Revenir à l’essentiel. Une cosmologie vivante jusque dans le sac à main où ce n’est pas la marque qui fait le luxe, mais la qualité de présence et la noblesse de l’être en lien intime à la Terre .
Le Poporro : bâton sacré des hommes gardien de la verticalité
Parmi les objets les plus sacrés pour les hommes Kogis, on trouve le Poporo. C’est une petite calebasse dans laquelle ils conservent de la chaux faite à partir de coquillages brûlés, qu’ils mélangent à des feuilles de coca mâchées. Mais c’est bien plus qu’un objet rituel : le Poporo est une extension de leur pensée. À chaque usage, l’homme Kogi frotte une fine baguette contre l’ouverture du Poporo. Ce geste répété façonne peu à peu une forme lisse et blanche, visible sur chaque calebasse. On dit que chaque trace déposée sur le Poporo est une pensée, un rêve semé. Ce bâton et cette calebasse deviennent, au fil du temps, un condensé de mémoire personnelle et collective. Le Poporo est offert lors du passage à l’âge adulte. Il lie l’homme à son chemin, à ses responsabilités, à ses rêves. C’est un pont entre la parole intérieure et la matérialisation dans le monde.
Le pagamento : UN RITUEL d’offrande AU VIVANT
Le rituel de pagamento guidé par Mamo Narciso a commencé par une offrande au feu d’une plante sacrée. Nous avons tourné autour du feu en chantant et en honorant le soleil et l’élément feu, le rôle de la lumière, puis nous avons ensuite frappé des doigts un par un sur l’autre main pour imiter la pluie lorsqu’elle tombe et honorer l’élément eau .
Pendant le rituel, quand le fils de Mamo Narciso nous a invité à poser notre main sur le sol et à demander un message à la terre comme on demanderait conseil à sa mère, une caresse silencieuse, matricielle s’est ouverte. J’ai senti un souffle chaud remonter depuis les profondeurs. Et dans cet instant suspendu, la Terre m’a parlé en vision et en mots, elle a aussi fait coulé les larmes sur le visages de certaines femmes présentes, et bercé des enfants en bas âge endormis comme des anges sur le sol pendant nos partages, tant son amour était communiquant et sécurisant. De mon côté, j’ai reçu une vision claire et vibrante comme un chant sous-terrain : Je voyais mon corps comme un tronc d’arbre transformé en immense rivière traversant le centre de la planète bleue, un tronc d’arbre fait d’eau et de feu, une colonne sacrée.
La Terre, comme une grand-mère m’a murmuré :
“Sois comme une rivière sinueuse.
Glisse là où ma mémoire t’appelle,
là où ma peau se fend,
là où mes enfants oublient.Fais danser et croître mes racines,
là où elles sont célébrées par tes frères et sœurs en humanité.Garde en équilibre ta colonne d’eau et de feu,
ce tronc sacré qui relie ton cœur à mes entrailles.Sois mouvement spontané,
Souviens-toi que nous sommes Un.”
Ce fut un moment touchant que je n’ai pas eu le courage de partager sur le moment. C’était comme une permission-bénédiction reçue de la Mère. Un flambeau invisible tendu entre ses racines et mon cœur. Comme si elle m’autorisait à incarner ce que j’ai toujours su être..
Une voyageuse et gardienne du vivant, appelée à être en symbiose là où la Terre m’appelle, à créer des synergies entre peuples, lieux sacrés, saveurs, spiritualités et noblesse sensorielle du corps, ce véhicule divin. J’ai déjà commencé à réaliser plus finement ce rêve avec les retraites “Earth and Heart alchemia” : Voyager sur des terres vibrantes qui m’appellent en créant une symbiose et une conscience nouvelle avec le vivant, la mémoire des lieux, avec les peuples racines, et les locaux. Incarner un yoga des origines.
Celui qui ne se pratique pas que sur un tapis, mais dans la manière de respirer, de manger, de marcher, dans la façon d’aimer le monde, de le goûter, de l’écouter. Un yoga qui unit le ciel et la terre dans la matière vivante, qui tisse le spirituel au quotidien – jusque dans la préparation d’un plat, dans la cueillette délicate d’une fleur, dans l’accueil d’une émotion, dans la présence à une rivière. Un art de l’union, non pas idéalisé, mais radicalement incarné. Dans chaque ressenti, agréable ou dérangeant,dans chaque silence qui ouvre un abîme ou un chant,
dans chaque illusion d’être séparé ou bénédiction de sentir la plénitude.
Un yoga des origines où l’unité se vit dans le corps,
et non dans les concepts. Un retour à l’âme du vivant.
C’est cette union que j’ai ressenti à Tierra Iris avec les Kogis et les gardiens du lieu.
Le signe fort : la mort du Pape François, jour de la Résurrection
Ce lundi de pâques, au moment de rédiger mon article sur la venue des Kogis et leur rappel fort, une autre nouvelle est tombée.
Le Pape François est mort.
Un symbole puissant, en plein dimanche de Pâques. Un rappel brutal que le père symbolique choisit de mourrir, pour nous appeler à un nouveau paradigme spirituel bien gardé par les peuples indigènes.
François n’était pas un pape comme les autres : il est le premier à avoir défendu les droits de la Terre, affirmé l’importance que les nouvelles génération oeuvrent au respect du vivant.
François s’en est allé à 88 ans.
Le chiffre 8, symbole d’équilibre cosmique, de la circulation de l’infini entre Ciel et Terre. Ce Pape avait amorcé une spiritualité plus connectée aux enjeux du réel. Et peut-être que sa mort signe la fin d’un cycle.
La fin d’une verticalité hiérarchique, d’un Dieu désincarné perché au sommet des cathédrales. Et le début d’une autre verticalité : plantée dans l’humus, enracinée dans la Terre, reliée par le souffle.
Que reste-t-il au peuple quand la figure du Père meurt ?
À quoi ressuscite-t-on, quand le Père s’éteint le jour même de la Résurrection ?
UNE VERTICALITÉ PLANTÉE DANS L’HUMUS
Le message des Kogis n’est pas une invitation à croire. C’est un rappel à se souvenir . À cesser de chercher un salut lointain, un père désincarné.
Le père est mort et sa ressurection ne se fait jamais sans sa polarité féminine. Et il ne nous sauvera pas tant que nous délaissons et bafouons la mère. Il faut se rappeler que les deux n’ont jamais été séparés. Les réunifier en nous et dans notre rapport quotidien au vivant.
Une nouvelle alliance avec la Mère jamais séparée du Père.
Les yogis nous montre la voie et la voix : Il est temps de parler à la Terre comme à une mère qui nous a tous enfanté et nourris, de lui demander conseil, de sonder ses émotions chaque jour, de l’écouter pleurer et de redevenir cette continuité fidèle de sa création. C’est l’appel vibrant du nouveau monde : Une résurrection non plus tombée du ciel, mais émergeante depuis le noyau de chair de la Terre. Une union sacrée renouvelée dès l’aube, chaque jour. Une conscience d’être un organe à part entière du corps de la Terre, elle même unie aux lois du Ciel.
Les Kogis incarnent cette union. Ils sont l’axe du monde, à la fois céleste et terrestre. Leur chapeau conique, blanc, évoque les montagnes sacrées. Leur vêtement blanc rappelle la lumière originelle. Leur parole est un tambour miroir du coeur battant de la Terre père. Je me suis sentie chez moi, à leurs côtés. Comme si mes cellules reconnaissaient un ancien serment. Je sais que ce n’était qu’un début.
Je les retrouverai, un jour, dans leur Sierra. Car ils ont tant à nous transmettre. Et l’humanité a tant à se rappeler.
Nous avons des droits, oui. Mais nous avons aussi des devoirs sacrés.
Des engagements d’âme. Et peut-être est-ce cela, la véritable résurrection :
Revenir à la Terre.
Redevenir vivants.
Et retisser le pacte oublié
dans cette humilité noble.
Ici. Maintenant. Ensemble.
Anaïs Beltran