De Grenade à Belfort : réconcilier le Masculin et le Féminin au coeur de la blessure originelle

Grenade et Belfort. Deux villes que tout semble opposer en termes de rayonnement et de grandeur, et pourtant, ces cités racontent une histoire commune.

Une histoire de forteresses et de remparts, de citadelles érigées pour contenir une force qui nous dépasse, pour maîtriser un souffle, l’énergie libre universelle du féminin qui tente de se réunir au Ciel et de danser depuis la nuit des temps.

Le Lion de Belfort qui domine sur la ville de Belfort : un symbole de résistance face à l’oppression et de courage face à l’adversité. Il a été érigé par Bartholdi, le même artiste à l’origine de la Statut de la Liberté New-Yorkaise.

Une autre manifestation du masculin sculpté dans la pierre : la tête de lion du Palais de Charles Quint à Grenade. Présent dans l’architecture des deux villes, le lion incarne ici encore une puissance protectrice et un ancrage dans l’histoire. Mais dans cette version andalouse, il devient aussi un gardien des seuils, témoin d’un passé où l’Orient et l’Occident se rencontraient, où le pouvoir se fondait dans l’art et la symbolique.

Une résonance entre deux terres, entre défense et transmission, entre l’ombre et la lumière du masculin à travers les âges .

quand le local révèle l’universel : chronique d’une purge collective

Il y a des expériences qui, sur le moment, semblent être des épreuves, des confrontations, voire des injustices. Et pourtant, lorsqu’on les regarde avec un regard d’alchimiste, elles révèlent plusieurs niveaux de lecture, bien au-delà d’une affaire purement personnelle. Ce que nous vivons ne se limite jamais aux faits bruts : des lignes de temps s’entrecroisent, des cycles de vie et des cycles collectifs demandent à s’achever, à être digérés pour permettre l’émergence d’un nouveau paradigme.

Parfois, ce sont nos propres mémoires qui ressurgissent. D’autres fois, ce sont des mémoires transgénérationnelles qui frappent à la porte. Et dans certaines situations, nous nous retrouvons pris dans un écho plus vaste encore : une mémoire collective qui se rejoue à travers nous, cherchant une issue différente, une possibilité de transmutation.

C’est ce que je traverse aujourd’hui à Belfort, ma ville natale, où je fais face à une tentative d’ostracisation et d’instrumentalisation politique orchestrée par le Maire de Belfort. Une chasse aux sorcières moderne, où l’image d’une femme libre en dehors des cases, est détournée pour mieux la discréditer, non pas en jugeant son travail en tant qu’enseignante de yoga, sur la base de son cadre laïc et rigoureux validé par l’Éducation nationale, mais en s’attaquant directement à sa personne. Diffamation publique, attaques ciblées contre mes activités professionnelles et ma spiritualité en dehors de mes interventions, pressions exercées sur ceux qui souhaiteraient faire appel à mes services : tout est mis en œuvre actuellement pour étouffer ma voix et empêcher mon ancrage professionnel local dans des structures publiques. Pendant ce temps, Belfort orchestre un Mois du Féminin, mettant à l’honneur des figures engagées du passé, tout en enterrant celles qui, aujourd’hui, incarnent ces mêmes sensibilités sur le territoire.

Alors qu’Alexandra David-Néel est célébrée pour avoir introduit les sagesses bouddhistes en Occident, je suis, dans le même temps, qualifiée de "loufoque" par le maire de Belfort dans la presse locale pour transmettre en dehors du cadre scolaire, des enseignements issus des traditions taoïstes, celtiques, esséniennes, ayurvédiques et chinoises ( Mise en lumière dans mon livre “Cuisine vivante, végétale et sauvage” aux éditions Eyrolles )

On instrumentalise le Féminin du passé comme une vitrine, mais on refuse de lui laisser une place vivante et vibrante dans le présent.

On glorifie les pionnières du passé, mais on marginalise celles qui perpétuent aujourd’hui ces savoirs vivants.

Mais cette histoire dépasse largement mon propre parcours. Elle soulève des questions essentielles sur la place du Féminin dans nos sociétés, sur la manière dont le pouvoir perçoit et tente de contrôle l’énergie créatrice, perpetuant les blessures historiques de séparation qui continuent de structurer notre monde.

Je choisis donc d’écrire aujourd’hui, sous l’influence de cette Pleine Lune en Vierge, amplifiée par une éclipse lunaire. Car Vierge et Poissons sont les deux axes d’une même danse : celle de la matière et du subtil, de la rigueur et du lâcher-prise, de l’analyse et de l’intuition.

Prendre responsabilité – au sens étymologique du terme, répondre à et répondre de – commence par une compréhension profonde des dynamiques qui nous traversent. Il ne s’agit pas de tomber dans le piège du triangle de Karpman (victime, bourreau, sauveur), mais d’observer ces forces en présence, de sentir ce qu’elles réveillent en nous et d’adopter un positionnement juste.

Dans cet article, je vais te partager comment cette situation locale s’inscrit dans une histoire bien plus vaste, avec une lecture plus “énergétique” des terres et des hommes qui les habitent. Comment ce que je vis résonne avec d’autres chasses aux sorcières, tentatives d’emprises de l’énergie féminine passée et actuelle. Comment les mémoires des lieux, des peuples, des époques se tissent et se rejouent à travers les corps et les âmes qui osent incarner un autre récit.

Et surtout, comment, à travers l’art, le vivant et la conscience, nous pouvons transcender et transformer ces blessures en portails de transmutation et de régénération.

Car l’enjeu n’est pas simplement de comprendre. L’enjeu est de créer une nouvelle réponse, une nouvelle manière d’exister, de se forger un équilibre intérieur avant tout, et d’incarner une voie d’expression libre et souveraine.

 

La Terre qui parle : Kundalini, vibrations telluriques, lieux de puissance et histoires d’emprise

Au dessous de l’Eglise de Saint-Nicolas, la grotte où j’ai logé lors de mon immersion à Grenade en Août 2024.

La Kundalini : énergie primordiale et vibration ascendante de la Terre

Le terme *Kundalini* vient du sanskrit “kundal”, signifiant « enroulé en spirale ». Cette force primordiale, représentée comme un serpent lové à la base de la colonne vertébrale, s’élève lorsqu’elle est éveillée, activant les centres d’énergie et permettant une expansion de conscience. Mais ce principe ne concerne pas seulement l’être humain : il s’applique aussi aux terres qui nous portent.

Les géobiologues parlent de “vibrations telluriques”, affirmant que certains lieux sur la planète sont chargés d’une énergie plus dense et plus intense que d’autres. Comme un corps humain doté de méridiens énergétiques, la Terre possède ses propres courants, des veines invisibles où circule une force vitale subtile, parfois concentrée en des points précis, comparables aux chakras. Ces endroits, souvent marqués par des phénomènes sismiques, des sources d’eau vive ou des formations géologiques particulières, sont naturellement investis par les traditions spirituelles et ésotériques. Là où la Terre vibre, l’Homme bâtit : temples, sanctuaires, monastères, citadelles. Ces constructions ne sont pas anodines. Elles témoignent de notre besoin instinctif de canaliser ces forces, de les comprendre, de les intégrer.

Grenade et l’Alhambra : la Kundalini capturée

Grenade, avec son Alhambra, est bâtie sur une terre où cette énergie de la Kundalini est particulièrement vibrante. Ici, le Féminin sacré pulse intensément, connecté à l’intuition, à la créativité, au mystère du vivant. C’est pourquoi cette ville a attiré des artistes, des mystiques, des penseurs, devenant un carrefour de cultures et de traditions spirituelles. Mais cette force ascendante a aussi été “capturée”.

L’Alhambra, chef-d'œuvre architectural, est l’illustration parfaite de cette tentative humaine de maîtriser le souffle du Féminin, d’organiser, de structurer, d’encadrer cette puissance brute et libre. Sous l’ère chrétienne, cette dynamique s’est accentuée : les lieux d’art et de contemplation ont été convertis en symboles de pouvoir, les traditions ancestrales occultées ou récupérées, et le Féminin, autrefois inspirant, est devenu un objet d’instrumentalisation.

Grenade, du Sacromonte à l’Alhambra : le Féminin et le Masculin en miroir

Quand je suis arrivée à Grenade l’été dernier, je ne m’attendais pas à vivre une telle résonance intérieure.

J’ai passé plusieurs jours dans une grotte adjacente au Sacromonte, accueillie par une gitane qui vit avec la plus belle vue sur l’Alhambra. Là, dans le ventre de la terre, tout était paisible, enveloppant, comme si mon système nerveux s’accordait naturellement au rythme doux et puissant du vivant. J’ai ressenti l’héritage libre de mes lignées gitanes, cette mémoire nomade, insoumise, ancrée sans être domestiquée. Le contraste entre les polarités menées à leur extrême est saisissant : En face, le chef-d'œuvre de l’Alhambra, architecture presque immortelle, où le Masculin s’est érigé en symbole de pouvoir, de maîtrise et de contrôle. De l’autre côté, chez la gitane qui m’accueille, tout est à l’état brut : une vie dépouillée, simple, presque chaotique dans son apparence, mais profondément ancrée dans la terre et le vivant.

La chambre où je loge, dans le ventre de la Terre.

La Rose, toujours présente sur mon chemin. Elle incarne le chemin initiatique de réunification du masculin sacré et du féminin sacré, elle porte l’atome de la mémoire de l’être humain-divin primordial.

Entre ces deux mondes, une tension palpable, reflet du déséquilibre en chacun de nous. Pourtant, Grenade fascine, car elle porte en elle la tentative de réconciliation : l’Art devient le pont entre ces polarités, cherchant l’harmonie entre la rigueur et l’intuition, la structure et la spontanéité, le contrôle et l’abandon.

La ville elle-même danse entre ces polarités. Le flamenco pulse dans les rues, chaque mur est tatoué de mots d’amour, de séparation, d’espoir ou de mélancolie inscrits au feutre. Et chaque soir, la lune veille sur Grenade, imposante, lumineuse, comme un rappel silencieux que cette ville est profondément reliée au Féminin.

Puis je suis allée à l’Alhambra, cette autre facette de Grenade. La part impériale, structurée, masculine, bâtie pour durer.

Rencontre sensorielle et vertige olfactif avec une feuille de basilic du Jardin de l’Alhambra

J’ai voulu entrer en relation avec ce Palais dominant la ville, à travers mes sens, en respirant le parfum des roses des jardins, en goûtant une feuille fraîche de basilic, en sentant sous mes doigts les pierres chaudes des palais. Un garde est venu me couper net dans mon élan d’exploration sensorielle :

"C’est interdit."

Je lui ai expliqué que c’était ma manière de ressentir l’histoire vivante de ce lieu, de me relier à lui autrement qu’en lisant une plaque commémorative. Mais ici, tout semblait sous contrôle.

Alors, je me suis assise sur la pierre de l’Alhambra, et tout est remonté.

En face de moi, le Sacromonte et sa simplicité brute. Ma grotte, de l’autre côté de la ville. D’un côté, le Féminin, resté libre, mais relégué en marge. De l’autre, un Masculin solaire, qui avait gravé son empreinte sur cette terre et capté l’énergie du Féminin, non pas pour s’unir à lui, mais pour en faire un instrument de pouvoir.

Et ce qui a coulé de moi, ce ne furent pas des mots. Ce furent des larmes. Des larmes et des larmes.

Parce que j’ai ressenti ce Féminin enfermé, contenu, remodelé au service du pouvoir. Ces femmes qui ont préféré restées indépendante et esseulées plutôt que soumise et incomprises.

J’ai senti, dans ma chair, l’histoire de la blessure de séparation entre le Masculin et le Féminin. Cette même blessure qui, aujourd’hui encore, nous pousse à rejouer un théâtre de domination, de contrôle, d’oubli du ressenti, du sensible et du vivant.

Le sacré récupéré, marchandisé, profané


Grenade porte la mémoire d’une violence sourde, celle du Féminin exploité, vidé de sa substance, réduit à un ornement.

Les tortures, les conversions forcées, les décapitations ont marqué ce sol.

Et même les morts n’ont pas été épargnés.

Les églises faisaient commerce des reliques humaines, vendant des os, des mèches de cheveux, des cadavres exposés sous verre.

Tout était bon à capturer.

Même le divin.

Même ce qui, à l’origine, appartenait à tous.

Et ce qui s’est joué à Grenade se joue encore aujourd’hui, partout.

On récupère ce qui nous dépasse, on l’instrumentalise, on le transforme en objet de contrôle ou de profit, alors qu’il était destiné à la liberté et à la transmission vivante.

Extrait du Livre “Grenade, ville de mes Rêves” qu’on m’a offert dès mon retour de voyage. J’y découvre encore plus de détails sur le passé sombre du pouvoir politico-religieux.

Mais la ville danse encore

Et pourtant, Grenade n’a pas perdu son souffle.

Parce qu’il y a aussi, partout, des forces d’équilibre.

Dans les arts du flamenco, qui transmutent la douleur en expression pure.
Dans la beauté des jardins, où la nature rappelle que la structure ne peut exister sans le vivant.
Dans la poésie qui s’inscrit sur les murs, libre et indomptable.
Dans le canal d’eau qui serpente à travers l’Alhambra, réminiscence du Féminin qui s’écoule malgré tout.

Le Féminin n’a jamais disparu.

Il est toujours là, caché entre les lignes, insaisissable, prêt à réapparaître au moment où l’on croit l’avoir définitivement capturé.

Et c’est ce même souffle qui traverse Belfort, où l’eau de la Savoureuse tente d’apaiser les tensions de la ville, où la force brute du Lion de Bartholdi pourrait, elle aussi, apprendre à danser.

Parce que c’est toujours cette même histoire qui se joue : une mémoire profonde de séparation, mais aussi une opportunité de réunification.

Une statue de la Vierge Marie trône au sommet du Ballon d’Alsace, veillant sur un Territoire de Belfort traversé par les tensions de son histoire. Elle incarne l’énergie de “Adi Shakti”, le Féminin divin primordial, force protectrice et rappel que toute vie puise son essence dans cette source sacrée

Belfort : terre de feu, de résistance et d’eau apaisante

Belfort, à son échelle, raconte une histoire semblable. Située sur une terre sismique, elle est un lieu où la Terre remue, où la force tellurique ne se tait jamais complètement. Elle est une ville de résistance, forgée par des siècles de luttes territoriales, marquée par la volonté de ne pas être annexée, de préserver sa souveraineté. Cette empreinte guerrière, ce feu sous la roche, fait écho à l’énergie martiale du Lion de Bartholdi, dressé sur son promontoire comme un gardien protecteur.

Mais une autre force traverse la ville, plus fluide, plus douce. La Savoureuse, rivière prenant sa source dans les Vosges, descend vers Belfort, portant en elle l’empreinte d’une autre énergie : celle du Féminin. Là-haut, à sa source, la Vierge Marie du Ballon d’Alsace veille, adoucissant ce territoire en tension. Cette eau, mémoire pure et essentielle du Féminin sacré, vient caresser la ville, offrir un équilibre au rugissement du Lion. Elle nous rappelle que le Masculin n’a pas à être seulement une force de résistance et de combat, mais peut s’ouvrir à l’écoute, à l’harmonie, à la reliance.

C’est fascinant de constater que le lion est aussi l’animal symbolique du Kundalini Yoga. Dans cette tradition, chaque yogi et yogini adopte le nom "Singh" (lion) pour les hommes et "Kaur" (lionne) pour les femmes, affirmant ainsi leur souveraineté intérieure.

L’idée est puissante : celui qui éveille sa Kundalini devient roi ou reine de son propre royaume intérieur. Cette montée d’énergie ne dépend pas d’un statut social, d’un système de caste ou de l’oppression extérieure. C’est une souveraineté qui transcende les circonstances, qui fait de l’être un bastion imprenable.

Et à Belfort, le Lion de Bartholdi trône sur la ville, comme un écho à ce principe. Mais est-il l’incarnation d’une véritable souveraineté intérieure ou le symbole d’une résistance figée dans un modèle de combat ? La question se pose. Un lion rugissant pour protéger, mais contre qui ? Contre quoi ?

Peut-être que le véritable courage aujourd’hui n’est plus seulement dans la résistance, mais dans la capacité à s’ouvrir, à réunifier ce qui a été séparé et à innover avec les enjeux sanitaires, sociaux et écologiques du siècle. À incarner pleinement cette souveraineté du vivant, où le Féminin et le Masculin ne s’opposent plus, mais s’élèvent ensemble.


À Grenade aussi, le lion marque de sa présence l’architecture, notamment à l’Alhambra, où la célèbre cour des Lions incarne une forme de puissance et de protection. Mais ici, cette force est canalisée d’une manière bien différente.

Dans l’Alhambra, les lions soutiennent une fontaine circulaire, symbole de l’équilibre entre la force brute et le flux de l’eau, entre le pouvoir et la fluidité. Ce contraste est intéressant : l’eau et le feu, la douceur et la puissance, le féminin et le masculin cohabitent ici dans un équilibre subtil.

À Belfort, le Lion de Bartholdi, sculpté dans la roche, représente la résistance, la combativité face aux envahisseurs. Son énergie est tournée vers la protection d’un territoire, dans une posture d’affirmation, de défiance face à l’adversité.

Ces deux lions, l’un dans le sud de l’Europe, l’autre à la frontière de l’Est, racontent deux manières d’appréhender la puissance du masculin :

  • À Grenade, elle se veut architecturale, raffinée, en dialogue avec l’eau et la beauté.

  • À Belfort, elle est brute, rugissante, ancrée dans un passé de luttes et de résistance.

Et si ces lions nous parlaient de la même chose ?
D’une force qui cherche encore son équilibre entre la guerre et la paix, entre l’affrontement et la reliance, entre l’autorité imposée et la souveraineté incarnée.

Ainsi, Belfort et Grenade portent en elles ce paradoxe : une énergie tellurique puissante qui, si elle n’est pas transmutée, se fige dans des tensions et des structures rigides. Pourtant, en leur sein circule aussi une eau qui murmure la possibilité d’une autre voie : celle de la réconciliation du Féminin et du Masculin, qui ne s’opposent plus, mais dansent ensemble.

Au détour d’une auberge de jeunesse, au pied d’une montagne andalouse au sud de Grenade

Transmutation de la blessure du féminin & du masculin entre Terre, art & mémoire


“MAMA Vegamiam” et Belle Plan(è)te : Quand le Féminin vivant et créatif alchimise le passé guerrier de Belfort

Photo dans mon atelier issue de l’article publié dans l’Est Republicain sur ma nouvelle activité après le restaurant : “Les Plantes des Druides chez Belle Plan(è)te” : “Fleurs séchées cueillies à la Miotte, bâtons de fumigation, plantes des druides et bougies artisanales : Anaïs Beltran, l’artiste nomade, fait de l’automne une saison bienfaisante dans son atelier, en vieille ville. De bonnes vibrations pour rendre la vie plus belle”.

De l’échafaud à l’alchimie végétale : mon atelier de druidesse au cœur d’une place marquée par le Sang

Bien avant cet épisode de censure racontée en intro de cet article de blog, j’avais déjà ressenti, dans ma chair, cette difficulté à faire exister un Féminin inspiré, sacré, ancré dans la transmission et la reliance au vivant, dans un monde structuré par des logiques de rentabilité et de contrôle.

J’ai d’abord innové en créant le premier restaurant 100 % végétal en Franche-comté en 2017. Un pari encore plus osé dans la vieille ville de Belfort.

Photo et Extrait de l’article de l’Est Républicain de 2019 : La devise de MAMA Vegamiam : « Protège, Nourris, Aime ». Seule en cuisine et au service, Anaïs Beltran, créatrice de ce premier restaurant éco-conscient à Belfort

Peu de temps après cet article consacré à ma cuisine vivante innovante, j’ai vendu le restaurant. Le végétal avait infusé en moi l’envie d’un rythme plus en accord avec lui, plus respectueux de mes rythmes naturels, de mes cycles féminins. J’avais besoin de temps pour faire de la cueillette, écouter le vivant, sans que mes créations artistiques ne basculent dans un rythmes effréné de productivité pour payer un loyer exorbitant en vieille ville, transmettre sous formes d’ateliers, et avoir plus de temps en tant que maman avec mon fils.

Les shampoings solides aux plantes et huiles essentielles créées dans mon atelier à la vieille ville de Belfort

J’avais installé mon atelier Belle Plan(è)te toujours au cœur de la vieille ville de Belfort, sur une place historiquement connue pour ses exécutions. Là où, autrefois, des vies étaient arrachées sous l’autorité du pouvoir, j’avais choisi d’amener une autre énergie : celle de la douceur des plantes, du Féminin sacré, des savoirs ancestraux qui réparent et relient. Juste en contrebas du Lion de Bartholdi, symbole de force et de résistance, j’offrais un espace où l’on pouvait redécouvrir les rituels naturels, la puissance des tisanes médicinales, l’alchimie végétale au service du bien-être. Un commerce de druidesse en pleine vieille ville, comme une invitation à renouer avec ce que l’on avait tenté d’effacer.

J’avais refais tous les travaux à mes frais avec le père de mon fils, et de mes mains dans ce local qui était composé d’une vieille moquette et de plaques en bois couvrant des pierres anciennes. J’ai même remis un parquet ancien et des tuiles pour retrouver l’authenticité et le charme antique. Tout cet argent investi n’a pas pesé dans les comptes du propriétaire qui m’a menacée d’expulsion à cause de deux loyers de retard pendant le covid.

Mais le système a vite montré ses limites.

Avec l’arrivée du Covid, mon commerce a été classé “non essentiel”. Fermeture imposée. Aucun revenu, des loyers qui s’accumulent, une trésorerie déjà fragile qui s’effondre encore un peu plus. Parce que mes activités avec la nature nourrissent mon âme, mais dans ce monde capitaliste, elles ne *margent* pas suffisamment. Je me suis battue pour maintenir l’atelier en vie, pour continuer à offrir cet espace, mais à un moment, il a fallu lâcher. Quitter ce lieu. Accepter que la société ne soit pas encore prête à reconnaître la valeur de ce type de transmission.

Et pourtant, ce Féminin-là, que l’on classe comme “non essentiel”, est justement ce qui nous manque le plus. Ce qui pourrait guérir les fractures de notre époque, réapprendre à équilibrer les polarités, restaurer un rapport plus sain au vivant. Mais tant que les structures économiques et politiques ne l’intègrent pas, il restera un combat, une reconquête à mener.

Alors oui, parfois, on nous ferme des portes. On nous invisibilise, on nous classe dans l’ombre, on nous relègue à des marges. Mais cela ne signifie pas que notre œuvre est vaine. Car chaque graine semée, chaque lieu investi, chaque savoir transmis crée des ondulations qui, tôt ou tard, reviennent nourrir le monde.

Et ce Féminin sacré, que l’on veut encore et encore enterrer, renaît toujours. Plus fort, plus profond, plus incarné, régénéré.

Oser incarner son Féminin en engageant son Masculin

Alors, comment briser cette mécanique ? Comment ne plus laisser ces schémas se répéter ? Tout d’abord, en acceptant pleinement la friction. Le yoga ne consiste pas à refuser de ressentir, à privilégier la polarité positive et à se mettre des oeillères sur la réalité. C’est intégrer tout ce à quoi nous renvoient les épines, alchimiser le féminin et le masculin en Soi, pour mieux savourer la grâce des pétales.

Le Féminin est inspiration, souffle, mouvement. Il est intuition, reliance, connexion au vivant. Mais sans une structure pour l’ancrer, sans une colonne vertébrale qui lui permette de se manifester dans la matière, il demeure éthéré, fragile, vulnérable aux récupérations, aux censures, aux occultations.

Pendant longtemps, j’ai incarné cette énergie du Féminin libre, inspiré, explorant le vivant sous toutes ses formes, traversant les frontières entre disciplines, entre visible et invisible, entre science et mystique. J’ai enseigné, écrit, transmis. J’ai donné des outils concrets, tangibles, ancrés dans le réel, dernièrement dans le cadre structuré de l’Éducation nationale, mais encore aujourd’hui, dans des espaces plus ouverts à la santé holistique et aux sagesses ancestrales.

Mais cette fluidité, cette capacité à naviguer entre les mondes dérange. Elle dérange un système qui ne sait fonctionner que par cases bien définies, par étiquettes rassurantes. Elle dérange une société qui n’a pas encore fait la paix avec son Féminin, et qui, au lieu d’accueillir cette force, tente encore de la contrôler, de la disqualifier, de la marginaliser.

C’est exactement ce que j’ai vécu ces dernières semaines, lorsque mon travail a été attaqué sous prétexte que je portais sur mon site des mots qui échappaient à une certaine rationalité froide et désincarnée. Un simple terme comme "thérapeute du corps et de l’âme" sur mon site a suffi pour déclencher une vague de diffamation, tronquée, détournée, montée en épingle pour me faire passer pour une menace imaginaire. Peu importe que mon enseignement soit validé, structuré, encadré. Peu importe que mon programme ait été approuvé par le rectorat et accueilli positivement par les élèves et les encadrants. Ce Féminin libre, parce qu’il s’exprime en dehors des dogmes établis, doit être censuré.

Mais cette fois-ci, je refuse d’être enfermée dans le silence. Parce que ce combat n’est pas que le mien.

C’est celui de toutes celles et ceux qui, aujourd’hui, cherchent à faire émerger une autre manière de vivre, d’apprendre, de transmettre. C’est celui de tous ces savoirs ancestraux que l’on tente de reléguer au passé, alors qu’ils sont plus que jamais nécessaires à notre équilibre. C’est celui d’une société qui doit choisir entre continuer à se méfier du vivant, ou apprendre à danser avec lui.

Et pour cela, il ne suffit pas d’inspirer. Il faut incarner. Il faut poser des actes concrets, structurer, manifester. Pour cela, j’ai aussi la plume. Et toutes ces péripéties viennent compléter, peaufiner aussi le livre que je termine d’écrire sur mon parcours de vie, et qui s’inscrit dans un manifeste et une propsition plus large d’exploration d’un féminin “Unitaire” et uni à la Terre, sans nier ses origines plus vastes et sa connexion au Ciel..

 

C’est là que le Masculin intérieur entre en jeu.

Parce qu’un Féminin pleinement ancré ne se contente pas d’être une vague intuition. Il s’organise, il s’engage, il persévère. Il sait s’exprimer pour enraciner un nouveau récit face au mensonge, porter sa voix, affirmer sa place. Il ne se laisse pas détourner par la peur du conflit ou par le désir de plaire. Il ose dire non aux cadres qui veulent l’étouffer. Il ose poser les bases solides qui lui permettront d’exister pleinement, sans concession.

C’est ce que j’apprends, aujourd’hui plus que jamais. Là où mes lignées de femmes auraient baissé les bras par craintes de représailles.

Quand mon corps pose un “NON” sacré face à des injustices ou tentatives de censure:

Je suis toujours impressionnée par la sagesse de mon corps. À chaque fois que mon Féminin est remis en question dans son essence, que j’ose poser un “NON” clair et ferme, mes règles surviennent, comme une réponse organique, une affirmation viscérale. Peu importe la date prévue dans le calendrier, c’est mon corps qui dicte son propre rythme, aligné sur ce qui se joue en profondeur. Mes menstruations ne sont pas un simple phénomène biologique, elles sont l’expression d’un Féminin souverain, qui inscrit dans la matière une loi naturelle, une règle ancestrale, comme un sceau indélébile sur ma légitimité.

Et cette sagesse du corps m’enseigne quelque chose d’essentiel : le Féminin ne se contente pas de ressentir, il pose aussi les fondations. Il ne s’efface pas, il s’ancre.

J’apprends ainsi à ne plus seulement m’inspirer, mais à structurer. J’apprends à poser des limites, à affirmer mon droit à transmettre, à ne plus me laisser dicter par l’extérieur ce qui est légitime ou non.

Et dans ce mouvement, je sais que je ne suis pas seule.

Nous sommes nombreux.ses à sentir que quelque chose doit changer. Que le Féminin doit retrouver sa pleine puissance, non pas en opposition au Masculin, mais en union avec lui.

Alors aujourd’hui, je fais ce choix.

Je choisis d’ancrer.

Je choisis d’incarner.

Je choisis d’aller jusqu’au bout.

Et vous ?

Quelle inspiration n’avez-vous pas encore osé matérialiser ?

Quel rêve attendez-vous encore de structurer ?

Quelle voix vous empêchez-vous d’exprimer ?

Parce qu’il est temps.

Parce que nous n’avons plus à nous cacher.

Parce que ce monde a besoin de ce que nous avons à offrir.

Ensemble.


Anaïs Beltran

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